Quel avenir pour la viticulture ?
Les viticulteurs en colère, la profession dans le doute !
La France viticole subit aujourd’hui une crise très grave. Quinze mille vignerons manifestaient
dans cinq villes en France le 15 février dernier. Déjà, pour le Val de Loire,
les viticulteurs étaient nombreux dans les rues de Tours, Blois et Nantes le 8 décembre 2004.
Parmi eux, nombreux sont ceux qui vont être obligés de cesser leur activité, laminés par la crise viticole.
Cette crise est lourde de conséquences pour les gens qui directement ou indirectement
vivent de la vigne, pour les villages majoritairement concernés par le phénomène. Outre les graves difficultés
personnelles que connaissent les viticulteurs, c’est tout l’environnement qui risque de se trouver dégradé,
toute une identité qui est remise en cause.
Avec 3,2 % de la surface utile et 14 % du chiffre d'affaires agricole français, la vigne occupe une part primordiale
de l'espace agricole dans les régions où elle est présente.
La crise est d’autant plus douloureuse, et nous y sommes d’autant plus sensibles, que la viticulture est dans
notre région, du moins jusqu’ici, caractérisée par la prédominance des exploitations familiales.
Quelles en sont les causes ? Elles sont à coup sûr multiples. Changement dans les habitudes des consommateurs,
pouvoir de la grande distribution qui fait la pluie et le beau temps, disparités au niveau de la législation dans
les pays producteurs, y compris au sein de l’Union Européenne, sont certainement des réalités.
En 2005, néanmoins, la France a augmenté ses exportations de vins et spiritueux de 2,2 %. Mais cette hausse a surtout
profité aux spiritueux avec 6,4 % d’augmentation des ventes, contre 0,7 % pour les vins. Cette faible hausse profite
exclusivement aux champagnes et autres vins mousseux, tandis que les vins tranquilles d’appellation d’origine
contrôlée reculent de 0,2 % et les vins de table et de pays de 7,5 %.
Soumis à la pression de la grande distribution, les négociants jouent sur l’importance des stocks pour imposer
les prix les plus bas possible, alors que les exploitations sont en déficit au point que des centaines de viticulteurs
s’inscrivent au RMI faute de pouvoir vivre de leur travail. Que dire également du niveau des retraites ?
La définition du vin comme produit naturel conquise par les vignerons en 1907, la création des A.O.C. en 1936,
les outils d’encadrement des volumes liés à l’organisation communautaire de marché et la reconversion
qualitative qu’elle a permis aux vins de pays sont autant d’étapes imparfaites mais utiles pour pérenniser
une viticulture de qualité, rémunératrice, socialement structurante et garantissant une qualité de vie et d’environnement.
Mais cela n’a pas empêché les crises successives : les promesses européennes d’harmonisation sociale et
réglementaires n’ont été que partiellement tenues, et le prix des vins de table espagnols ou italiens, par
exemple, continue de tirer le marché vers le bas.
La filière viticole tourangelle n’échappe pas à cette crise.
Même si nos vins pétillants, Vouvray en tête, progressent de 22 %, que les blancs se stabilisent et que
nos rosés fonctionnent bien, les vins rouges régressent. Les Chinons baissent de 2 à 3 % par an, les
Saint-Nicolas-de-Bourgueil sont également touchés, les Touraine rouge, gamay, cabernet chutent de 12 %.
Il n’y a que les Bourgueil qui se redressent depuis dix ans.
Aujourd’hui, l’AOC Touraine, qui représente 10 à 15 % de la production départementale, est directement en
crise. Une cinquantaine de vignerons sont au bord du dépôt de bilan. La cave coopérative de Francueil
est en grande difficulté. Celle de Bléré va un peu moins mal. 1.000 ha et 100.000 hl sont de trop soit le
cinquième de la zone. Pour les autres appellations, on peut parler de survie pour nombre d’exploitations familiales.
A Montlouis-sur-Loire comme partout ailleurs, les jeunes viticulteurs ont des difficultés pour s’installer
alors qu’il y a de la vigne de disponible. L’installation est bloquée par des loyers exorbitants et la
rareté des bâtiments d’exploitations. Pour s’en sortir, certains réduisent la taille de leur exploitation
ou font le choix des « niches » en ne proposant qu’un seul produit. D’autres, comme c’est le cas sur Vouvray,
sont obligés de faire appel à des sociétés de capitaux pour soutenir le vignoble.
Dans la région, afin d’aider et de pérenniser la filière viticole sont créés des ZAP (Zone Agricole Protégée).
Le conseil régional met en œuvre des CLO (Contrat Local d’Objectif). Mais les aides ne permettent pas d’assurer
durablement le financement des emplois, ni de limiter la charge des emprunts.
Face à la crise viticole, la profession serait-elle menacée ?
Les vignerons devraient-ils se résigner aux
lois du marché, à la mondialisation, aux exigences d’une compétitivité mortifère ?
Devraient-ils se réduire
à une fonction de fournisseurs pour l’agro-alimentaire de produits à bas prix ?
La Touraine serait-elle aussi
menacée ? La vigne qui participe à l’aménagement du territoire verrait-elle son avenir remis en cause ?
Que deviendrait dans ce cas la protection des zones vertes, alors que le Val de Loire est classé patrimoine
de l’humanité ?
| |