Qui était Edouard Lemarchand ?
Né le 11 mai 1921 à Amboise dans une famille ouvrière habitant rue St Denis.
Ecole de la Noiraie, il passe son Certificat d’Etude. Son instituteur : Marcel Nay, futur martyr de la Résistance.
Apprenti menuisier chez Mr Rouzic, place du commerce (Richelieu).
1937/38 il est licencié à l’Etoile Sportive de St Denis Hors (absorbée depuis par Amboise) il pratique le
basket et prend déjà des responsabilités.
Ayant fuit, avec son ami René Cour-tin la réquisition pour le travail obligatoire en Allemagne,
il est arrêté et envoyé Outre Rhin comme réfractaire au STO.
Au retour, il adhère au PCF et participe à la naissance du Sporting Club Amboisien : lutte, basket, il joue les dirigeant.
Artisan, son atelier et sa camionnette sont toujours à disposition du club.
Il est l’un des responsables de la section du PCF amboisien : Militant infatigable de la solidarité (avec les grévistes
de 1953) de la Paix : contre la guerre en Corée, en Indochine, en Algérie…
Toujours actif et estimé dans son club, il est aussi dirigeant départemental de la FSGT.
Il est titulaire de la médaille d’honneur de la FFCC.
Il travaillait au journal l’Humanité depuis 1 an lorsqu’il est assassiné le 8 février 1962 au métro Charonne.
Plaque de la rue E. Lemarchand
à Amboise
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Paris, février 1962.
La perspective d’une fin de la guerre d’Algérie semble s’être éloignée depuis la suspension des
pourparlers de paix, le 28 juillet 1961, entre le GPRA. (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) et le gouvernement
français. Cependant, dans les arcanes du pouvoir, tout le monde s’accorde à dire que la seule issue possible est l’indépendance
de l’Algérie. S’accrochant désespérément à leur rêve d’une Algérie française, les fascistes de l’OAS. (Organisation Armée Secrète),
multiplient les attentats en Algérie et en Métropole. Cette stratégie de la terreur vise à mettre la pression sur le gouvernement
français, qui se dit de plus en plus favorable à de nouvelles négociations avec le GPRA.
Face à ce “péril brun”, les milieux de gauche se mobilisent autour du Comité Audin (Comité d’intellectuels luttant pour faire
la lumière sur la disparition de Maurice Audin, militant du Parti Communiste Algérien), du PCF, de l’UNEF, et
du PSU. Dans les universités, des journées de grève sont organisées avec succès, ce qui pousse de Gaulle à déclarer:
“Le peuple n’a pas à se préoccuper du problème de l’OAS ; c’est aux forces de l’ordre d’agir”. Cependant, les forces de
l’ordre ne sont pas aussi zélées dans leur lutte contre le terrorisme de l’OAS que dans la répression des sympathisants
de la cause algérienne. Le 7 février 1962, dix attentats sont commis, à Paris, par l’OAS. Les cibles sont des universitaires,
des élus du PCF, des officiers, des journalistes ainsi que le Ministre de la Culture, André Malraux. La bombe qui visait
ce dernier blesse grièvement une enfant de quatre ans, Delphine Renard, qui perdra un œil et sera défigurée.
Cette vague d’attentats pousse la gauche à organiser un rassemblement, le 8 février 1962, place de la Bastille à Paris.
Or, suite à l’état d’urgence décrété le 21 avril 1961, un arrêté préfectoral interdit toute manifestation sur la voie publique.
La manifestation a pourtant lieu. Les consignes des forces de l'ordre sont claires : il ne faut tolérer aucun rassemblement et “faire preuve d’énergie”
dans la dispersion des manifestants. Cette “énergie”, les policiers dépêchés sur place vont la fournir de façon dramatique.
Le quadrillage de la manifestation est parfait ; c’est en direction d’une véritable toile d’araignée policière que se
dirigent les manifestants, à partir de 18h00. 2845 CRS, gendarmes mobiles et policiers sont organisés en cinq divisions
entourant le quartier de la Bastille, de la gare de Lyon aux métros Filles du Calvaire et Saint Ambroise, et de la rue
Saint Antoine au boulevard Voltaire.
Côté manifestants, on souhaite un rassemblement pacifique ; un communiqué radio précise, le 8 février, que “les manifestants
sont invités à observer le plus grand calme”. En outre, les organisateurs prennent la décision de ne pas défiler, estimant
que la police ne chargerait pas un rassemblement statique.
A l’heure du rassemblement, les manifestants se heurtent aux forces de l’ordre. Certains sont reflués sur la rive gauche,
alors que, sur la rive droite, la tension monte peu à peu. En effet, quelques affrontements se déclenchent boulevard
Beaumarchais. La réponse policière est terrible. On matraque des manifestants, des passants, les hommes, les femmes et
personnes âgées, jusque dans les cafés et les stations de métro. L’acharnement est tellement aveugle que même des policiers
en civil seront blessés.
Mais c’est boulevard Voltaire et rue de Charonne que la répression est la plus violente. Alors que les organisateurs
donnent le signal de dispersion, les forces de l’ordre, commandées par le Commissaire Yser, chargent le cortège. En
effet, sur ordre du Préfet Papon, il faut “disperser énergiquement” les
manifestants. Les policiers chargent avec une telle brutalité et de façon si soudaine, qu’un mouvement de panique s’empare
des manifestants, qui tentent de fuir vers la station de métro la plus proche.
Les premières cibles des forces de l’ordre sont des élus communistes, qu’ils frappent à la tête. Puis, c’est au tour des
manifestants qui, portés par la foule, trébuchent dans les escaliers du métro et s’entassent les uns sur les autres. Au
lieu d’aider les gens qui suffoquent, les policiers les frappent, les insultent, et n’hésitent pas à jeter sur eux les
grilles d’acier qu’ils trouvent au pied des arbres, ou encore des grilles d’aération. Le bilan de cette agression est terrible
neuf morts. Huit d’entre eux sont morts par étouffement, un des suites de blessures à la tête ;
Fanny DEWERPE, Anne-Claude GODEAU, Suzanne MARTORELL, Daniel FERY, Hyppolite PINA, Jean-Pierre BERNARD, Raymond WITGENS,
Maurice POCHARD (décédé le 20 avril 62 suite à ses blessures) et Edouard LEMARCHAND.
Tous étaient communistes.
Au lendemain du drame, la presse, de façon unanime, stigmatise la responsabilité des forces de l’ordre. Le Ministre de
l’Intérieur, Roger Frey, rejette quant à lui toute la responsabilité sur le Parti Communiste, qu’il accuse d’avoir tenu
la manifestation malgré l’interdiction officielle. Au passage, le ministre assimile les manifestants aux fascistes de
l’OAS, car ce sont là, explique-t-il, “deux ennemis de l’intérieur”. De son côté, la population française est largement
choquée par ce déchaînement de répression: entre 500 000 et un million de parisiens assistèrent aux funérailles des victimes.
Cet épisode de la vie politique française témoigne une fois de plus de l’amnésie historique de l’État français, sur
certains sujets. Pendant des années, le drame du 8 février 1962 sera relégué aux oubliettes de l’histoire officielle.
Il faudra attendre quatre décennies pour voir la réouverture des dossiers sur la guerre d’Algérie, le début d’une
prudente autocritique de la part de l’État, et pour que la lumière commence à se faire sur les événements qui ont coûté la vie
aux huit victimes de cette terrible journée.
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