Loi d'orientation agricole : attention danger !
Approuvée par la majorité de droite au parlement, rejetée par les parlementaires communistes, la loi d’orientation agricole doit, selon le gouvernement, préparer l’agriculture française aux évolutions du contexte européen et international. En fait, elle soumet les exploitants agricoles aux règles du capitalisme international et met à mal le statut du fermage, pilier historique de la ruralité.
Fonds agricole
La création du fonds agricole constitue l’une des mesures essentielles de la loi. Semblable aux fonds de commerce
ou artisanal, mais sans être défini de façon aussi précise, celui-ci intègre le foncier, le cheptel et le matériel, chose normale,
mais se voit grossit par les éléments incorporels tels que les quotas de tabac, de carbone, les DPU, les marques de producteurs,
les accords commerciaux… Conséquence immédiate : le volume financier exorbitant de ces fonds va rendre de moins en moins
transmissibles les exploitations agricoles. A terme, aucun exploitant individuel ne pourra racheter de fonds agricole
sans le soutien de capitaux étrangers à l’exploitation, situation qui va favoriser la concentration foncière et la
généralisation de formes sociétaires. Par ailleurs, ces fonds ne peuvent être amortissables au plan comptable, ils pénalisent
donc les futures générations. Leur nantissement, qui se veut être une garantie risque, a contrario, d’accroître la dépendance
des futurs acquéreurs vis-à-vis des organismes bancaires. Enfin, censés organiser la transparence, ils régularisent de fait
les multiples pratiques frauduleuses qui intégraient déjà, dans le cadre des transmissions, certaines valeurs incorporelles
légalement non commercialisables. Belle réussite pour une loi de la République ! Et puis comment attribuer telle valeur
au savoir-faire spécifique d’un vigneron, ou à l’enseigne d’un éleveur renommé pour la qualité de ses bêtes ? La question
à elle seule souligne l’absurdité de la démarche… D’autant qu’il existe déjà des outils juridiques permettant de recenser
les éléments qui constituent la valeur d’une exploitation agricole : le compte de bilan et le compte d’exploitation.
Bail cessible
Le bail cessible est l’autre disposition phare du texte gouvernemental. Il permet de céder le bail hors du cadre familial.
Officiellement, sa création vise à faciliter les transmissions d’exploitations. Dans la réalité, il s’agit d’une véritable
arme de guerre contre le statut du fermage. Avec là aussi des conséquences désastreuses. Ce nouveau dispositif permet au bailleur
le non-renouvellement du bail sans motif (contre une simple indemnité financière), sa durée est de 18 ans (contre 9 actuellement),
et son prix a été fixé arbitrairement par le gouvernement à 150 % du prix du bail rural de droit commun. Une hausse des prix
des loyers qui entraînera une sélection financière au niveau des preneurs et brisera le fragile équilibre établi depuis
1946 entre bailleurs et fermiers. Le bail cessible interdit au bailleur, sauf paiement d’une indemnité, de conserver
toute maîtrise de l’avenir et choix de ses locataires, y compris sur ses propres descendants. Tout aussi grave, il
supprime le droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, qui ont déjà
du mal à mener une politique efficace de maîtrise foncière. Enfin, le bail cessible va créer de sérieuses difficultés
aux collectivités locales en matière d’acquisition et de prix pour leur développement. Comment va-t-on pouvoir acheter
ou exproprier des terrains faisant à la fois partie d’un fonds agricole et d’un bail cessible ? A ce jour, la question
n’a toujours pas de réponse.
Exonérations
La loi multiplie les cadeaux fiscaux aux employeurs et les exonérations de cotisations patronales. En cas,
par exemple, d’embauche de travailleurs occasionnels, comme les travailleurs forestiers ou saisonniers. Autant de primes à
la précarité, qui privent de plus le système de solidarité nationale de précieuses ressources.
Conjoint
Seul point positif de la loi, l’article 7 étend le statut de conjoint collaborateur aux concubins et aux personnes pacsés,
et cela sans l’accord préalable du chef d’exploitation. Un progrès qui restent néanmoins optionnel.
C’est bien maigre pour une supposée grande loi d’orientation agricole.
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Une autre agriculture est possible :
des propositions pour moderniser notre agriculture
Performante et génératrice, l’agriculture familiale et multi-familiale doit être défendue et modernisée.
Les élus du groupe Communiste Républicain et Citoyen proposent notamment d’assurer des prix rémunérateurs
et d’encourager les formes de coopération entre producteurs, alors que ceux-ci doivent faire face à l’industrie
agro-alimentaire et la grande distribution. Il s’agit aussi de protéger et de promouvoir la diversité des exploitations
et des territoires, ainsi qu’un patrimoine humain inestimable.
Assurer des prix rémunérateurs
Les agriculteurs doivent pouvoir vivre du fruit de leur travail.
Il est nécessaire pour cela de leur garantir des prix suffisants et rémunérateurs. La vente à perte doit être prohibée,
d’autant que les producteurs restent très vulnérables aux crises conjoncturelles, mais également à la pression
des grandes firmes de l’agroalimentaire et de la distribution. Il n’est pas acceptable que les prix des produits
agricoles soient complètements déconnectés des coûts réels de la production. Il est parfaitement possible de prendre
des mesures fortes visant à endiguer la dictature des grands groupes promettant des prix toujours plus bas au
détriment des producteurs et des travailleurs agricoles.
Cela passe entre autre par un meilleur contrôle des modes
de fonctionnement des marchés agricoles permettant de prévenir et d’éviter la formation de monopoles.
Par ailleurs, l’application d’un coefficient multiplicateur en cas d’effondrement des prix doit être effective, ce qui
n’est pas le cas aujourd’hui. Ce coefficient doit également s’appliquer aux denrées agricoles de toute nature,
et pas seulement aux fruits et légumes. Ce mécanisme présente l’avantage de permettre à la grande distribution de dégager
des marges suffisantes tout en rémunérant mieux les producteurs, mais également de ne pas léser le consommateur,
qui ressent très peu l’augmentation des prix.
Encourager la formation
Les établissements d’enseignement agricole doivent bénéficier des moyens humains et financiers supplémentaires,
de façon à pouvoir accueillir davantage d’élèves. Dans l’immédiat, il est urgent de mettre un terme à un phénomène inquiétant
: 5 000 élèves risquent de ne pas pouvoir suivre l’année prochaine cette filière en raison des restrictions budgétaires
décidées par le gouvernement… L’enseignement doit également mieux tenir compte des différents modes d’agriculture.
Ces établissements peuvent par ailleurs devenir le lieu d’une véritable formation professionnelle permanente.
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Favoriser l’installation des jeunes.
Actuellement, près d’une installation sur deux s’effectue sans la moindre aide de l’Etat. Les sénateurs communistes
proposent que les jeunes agriculteurs qui ne bénéficient pas de tous les diplômes requis pour leur installation puissent bénéficier
d’une dotation jeune agriculteur adaptée. Pour garantir l’emploi agricole en milieu rural, il est vital
d’assurer le renouvellement des exploitants qui partent à la retraite. Les difficultés financières et la pénibilité du travail,
qui font bien souvent le quotidien des agriculteurs, rendent d’autant moins attrayante l’activité agricole.
En défendant cette proposition au cours de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, le sénateur communiste Gérard
Le Cam, a obtenu du gouvernement la création d’un groupe de travail chargé d’étudier cette question. Autre proposition :
un accompagnement technique et financier, sous forme de stages et de parrainage, qui constituerait un « coup de pousse »
à l’installation.
Assurer une retraite décente.
La plupart des retraites agricoles demeurent encore très faibles. Il est nécessaire d’augmenter ces retraites,
celles des hommes comme celle des femmes, pour qu’elles atteignent au minimum 85 % du SMIC net.
Cette augmentation peut être financée par un prélèvement de 2 % sur les bénéfices des filières agro-alimentaires,
et en particulier des centrales d’achat.
Réformer la chaîne qui va du producteur au consommateur.
Principal objectif : limiter le poids de la grande distribution. Un véritable monopole a été organisé par
les cinq principales centrales d’achat du secteur. Cette domination sans partage permet de pratiquer des prix abusivement bas,
insuffisamment rémunérateurs du travail des paysans. Alors qu’il y a abus manifeste de position dominante, jamais le Conseil
de la concurrence n’est intervenu pour faire cesser ces pratiques et briser ce monopole. Juridiquement, la notion d’abus de
position dominante demande à être revue pour intégrer ces pratiques contestables et pouvoir y mettre un terme.
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Développer une agriculture à taille humaine.
Il est nécessaire de préserver et moderniser le statut du fermage. Celui-ci a fait la preuve, depuis des décennies,
de son utilité en permettant l’existence d’une agriculture familiale ou multi-familiale performante. Dans une certaine mesure,
il a aussi permis le maintien des populations en zones rurales. C’est dans ce cadre qu’il est possible d’imaginer des solutions
répondant aux aspirations nouvelles de conditions de vie des jeunes agriculteurs. La pérennité et le développement de ce statut
supposent des revenus suffisant pour des surfaces cultivées petites et moyennes.
Garantir la souveraineté alimentaire.
Là aussi, il s’agit de prendre à contre-pied des politiques menées par l’OMC qui conduisent à la « guerre alimentaire ».
Déposons les armes ! Ces politiques visent à faire sauter les barrières douanières. Elles ont pour effet de ruiner des
pans entiers de notre agriculture et de générer des dépendances lourdes. Dans les pays les moins développés, elles conduisent
à la mise en place d’une agriculture de production de rentes, au détriment d’une agriculture vivrière.
Il faut au contraire développer les productions nationales, en fonction du climat, de l’histoire et des savoir-faire de
chaque pays afin de garantir la souveraineté alimentaire pour chaque peuple, ce qui évidemment n’exclut pas les échanges
et le commerce. Mais sur d’autres bases.
Promouvoir des relations différentes entre pays du nord et du sud
Impulsée par l’OMC, la mondialisation libérale des échanges ne profite ni aux paysans du Nord ni aux paysans du Sud.
En revanche, elle fait les beaux jours de l’agrobusiness. Cette logique tire vers le bas « le prix mondial » sur lequel
les pays du Nord doivent s’aligner. Ce cercle vicieux peut être brisé en développant au contraire des échanges mutuellement
avantageux, en permettant notamment aux pays les plus pauvres d’accéder à la souveraineté alimentaire. Un gagnant-gagnant
qui doit aller bien au-delà du commerce équitable.
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Favoriser la biodiversité
Sous la pression notamment des fournisseurs de semences et des réseaux de commercialisation, qui imposent des
critères très spécifiques au nom de la rentabilité, l’uniformisation guette : dans les grandes surfaces, on ne trouve
par exemple que quatre ou cinq variétés de tomates alors qu’il en existe plusieurs centaines. Idem pour les pommes…
Le développement de la biodiversité présenterait l’avantage de diversifier les productions et d’offrir un choix plus large
aux consommateurs. Sur un plan phytosanitaire, la biodiversité est aussi un gage de meilleure résistance des productions.
Réformer la PAC
L’économie agricole marche sur la tête : 55 % du revenu des agriculteurs proviennent des aides. Avec
l’introduction des Droits à Paiement Unique (qui ne sont pas garantis au-delà de 2013) et du « découplage »
partiel ou total, ces primes ne vont même plus tenir compte de la production réelle. Un agriculteur qui ne cultive
rien pourra même y prétendre ! Une aberration de plus que dénoncent les parlementaires communistes. Selon eux, il
faut réorienter ces primes selon des critères sociaux et territoriaux, en fonction d’une péréquation équitable,
afin d’aider les producteurs et les territoires qui en ont vraiment besoin. Il faut surtout garantir des prix
rémunérateurs, gages d’une pérennité économique permettant d’en finir avec une agriculture sous perfusion. Il
faut en finir avec l’opacité qui règne en matière d’attribution :
dans son rapport de 2003, la Cour des comptes
a dénoncé les « irrégularités comptables » et les « approximations juridiques » dans la gestion des aides nationales
et communautaires. La politique agricole commune, dont le budget représente 40 % du budget européen, est
pourtant directement financée par les contribuables et la TVA. Mais les données publiées par le ministère de l’Agriculture
restent partielles et ne permettent pas de ce faire une idée juste de la répartition réelle des aides publiques. Ce
qui est certain en revanche, c’est que les DPU confortent une répartition injuste de ces primes.
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